L’enfer est-il en Gruyère ?

Le grand portail sculpté à l’entrée de la cathédrale met en scène deux destins contradictoires pour les humains que nous sommes. D’un côté (à notre gauche), c’est le joyeux cortège qui mène au paradis ; de l’autre (à notre droite), c’est l’arrivée en enfer où déjà les méchants subissent toutes sortes de supplices. De quoi vous dégoûter de faire le mal ! Parmi ces tourments, il y a celui qui consiste à bouillir dans l’huile brûlante. Bien du plaisir ! D’autant plus que les flammes sont attisées par un petit diable qui manie le soufflet comme un vrai professionnel.

Mais regardez bien. Quelle est l’installation technique qui garantit le plein succès de cette torride opération ? Pendu à une solide crémaillère, un chaudron rend tous les services que les diables attendent de lui. Aucune hésitation, c’est bel et bien un chaudron d’armailli, tel qu’on peut en voir dans les chalets en Gruyère pour la confection du fromage d’alpage. L’enfer serait-il en Gruyère ?

Je puis vous rassurer. L’artisan anonyme qui a imaginé et réalisé cette sculpture s’est tout simplement inspiré de ce qu’il avait remarqué autour de lui, et probablement sur nos préalpes où l’on fabriquait déjà de l’excellent fromage … au 14ème siècle.

Un fromage qui, tel celui d’aujourd’hui, nous envoie plutôt au ciel qu’en enfer, tant il est bon, n’est-ce pas ? Mais attention au péché de gourmandise !

Claude Ducarroz

chauderon

Un capitaliste au Saint Sépulcre

Si vous ne connaissez pas la chapelle du Saint Sépulcre dans notre cathédrale, dépêchez-vous d’aller la contempler. Vous tournez à droite après le passage de la grille d’entrée et vous êtes devant une impressionnante mise en scène de l’ensevelissement du Christ. Ces personnages –plus grands que nature- nous touchent par leur présence silencieuse dans ce cadre encore embelli par les vitraux d’Alfred Manessier (1976). Cette statuaire a pour mission de nous rappeler –pour notre méditation- les diverses étapes de la passion de Jésus, jusqu’à sa mise au tombeau, non sans évoquer déjà la perspective de la résurrection. Tandis que les soldats de garde dorment encore, les anges dans le ciel du plafond chantent et jouent déjà la victoire de Pâque.

Un personnage frappe par son accoutrement. A gauche du tombeau – plutôt en forme d’autel que de sépulcre-, Joseph d’Arimathie tient le linceul dans lequel repose Jésus mort. Il est habillé de manière somptueuse, lui qui avait prêté son caveau pour ensevelir Jésus. Il a les attributs des hommes riches du 15ème siècle : un chapeau sophistiqué, une ceinture de précieux métal et surtout une bourse bien garnie qu’on a mise en évidence. Un vrai capitaliste de son temps.

Il ne faudrait pas décourager les riches de s’approcher de Jésus, même s’il a rappelé les dangers des richesses quand on les garde rien que pour soi. D’ailleurs, de l’autre côté du sépulcre, c’est un pauvre habillé en moine qui collabore à la mise au tombeau de Jésus.

Il faut de tout pour faire un monde. Et aussi une Église. Mais à condition qu’on vive tous en communion avec Jésus mort et ressuscité.

Claude Ducarroz

aumoniaire

Un drôle d’apôtre

Les stalles offrent une série de magnifiques sculptures en bois dans le chœur de notre cathédrale. En alternance, prophètes et apôtres se donnent la main dans une sorte de danse en hommage à la foi qu’ils illustrent et promeuvent. Les prophètes nous rappellent le message de l’Ancien Testament, tandis que les apôtres déclinent les versets du Credo qui résume notre foi chrétienne.

Mais, à y regarder de plus près, l’un de ces apôtres n’est pas présenté comme les autres. Son chapeau est bizarre, surmonté d’une coquille. Ses habits signalent un homme en voyage, bien protégé contre les intempéries. Il a suspendu une gourde à sa ceinture et s’appuie sur un solide bâton. En un mot : il a tout du pèlerin en marche.

Où va-t-il donc ? La coquille de son chapeau indique le but du pèlerinage : Compostelle. C’est donc l’apôtre Jacques le Majeur qui nous invite à marcher avec lui…jusqu’à lui.

Cette stalle prouve que le pèlerinage à Compostelle était déjà florissant au 15ème siècle puisque ces sculptures ont été confectionnées entre 1462 et 1464.

N’oublions pas que Fribourg était situé sur l’itinéraire des pèlerins entre la Germanie et le Léman. Aujourd’hui encore, ces pèlerins peuvent imprimer sur leur « crédentiale » le sceau mis à leur disposition au fond de la cathédrale. Et depuis l’anniversaire des 500 ans du Chapitre cathédral (en 2012), une chambre a été aménagée dans une maison du Chapitre (rue des Chanoines 5) pour l’accueil de deux pèlerins dans un espace simple mais confortable.

Nous avons retenu la leçon du saint Jacques de nos stalles.

Claude Ducarroz

jacques

L’autre Nicolas de Fribourg

A Fribourg, et loin à la ronde, tout le monde connaît saint Nicolas. Oui, le saint évêque de Myre, si gentil avec les enfants, le donateur de biscômes chaque année, surtout aux environs du 6 décembre.

Mais savez-vous qu’il y a un autre Nicolas bien représenté dans notre cathédrale ? C’est saint Nicolas de Flüe. Et pas sans raison. En effet, le saint ermite du Ranft – né il y a exactement 600 ans – a convaincu les 8 cantons de la Suisse primitive qu’il fallait accueillir dans la famille helvétique deux nouveaux partenaires, à savoir Fribourg et Soleure. Ce qui fut fait juste avant Noël 1481.

Dans notre cathédrale, trois objets signalent cet évènement fondateur pour lequel nous devons une grande reconnaissance à Nicolas de Flüe.

* En 1734, le chanoine Daniel Reyff a offert un reliquaire pour abriter une relique du saint ermite. Ce reliquaire est déposé dans le trésor de la cathédrale.

* A droite de la porte sud est fixée une statue de saint Nicolas de Flue. Originalité : il est revêtu d’une bure blanche en mémoire de la pièce de drap que les autorités de Fribourg ont offerte à notre saint bienfaiteur.

* Enfin en 1919, Josef Mehoffer a réalisé le vitrail consacré à Nicolas de Flüe. Il illustre les deux parties de la vie de ce grand homme. A gauche, il est en famille jusqu’à l’âge de 50 ans, à droite il vit dans son ermitage les 20 dernières années de son existence. Et au milieu figure la réconciliation des Suisses qui jurent à nouveau fidélité à leur alliance ancestrale, tout en accueillant Fribourg et Soleure dont les écussons ont rejoint ceux des autres cantons au bas du vitrail.

De quoi contempler, méditer et rendre grâces !

Claude Ducarroz

Nicolas

Portail Sud : on y est tous !

Après 40 ans d’attente, le portail Sud a enfin été rendu à la contemplation du public par une fête d’inauguration le 3 décembre dernier. Ce chef d’œuvre de la moitié du 14ème siècle continue de faire l’admiration des passants et touristes. Mais savez-vous que nous sommes tous représentés dans cette statuaire ? Bien sûr, personne ne peut assurer qu’il figure en bonne place parmi les saints et saintes ornant ce portail. Et pourtant.

Sur la droite du portail, les trois mages, transformés en rois, marchent vers la Vierge et l’Enfant au tympan. Ils nous représentent tous. Car ils symbolisent de toute évidence les trois âges de la vie. Le premier est un vénérable vieillard chevelu qui s’agenouille en ayant accroché sa couronne sur son genou gauche. Le deuxième est un bel homme d’âge mûr qui nous montre la direction du Sauveur. Le troisième est un jeune homme imberbe qui sourit à sa rayonnante jeunesse.

Quel que soit notre âge, quelles que soient aussi nos convictions, autant dire que nous sommes tous impliqués dans le voyage de ces mages anonymes venus d’Orient, qui retournèrent chez eux par un autre chemin.

Encore une beauté qui fait réfléchir.

Claude Ducarroz

rois

A la pelle

Il est assez difficile de repérer ce Jésus-là dans notre cathédrale. Car il se trouve au bout de la stalle de droite dans le chœur, bien caché derrière l’imposante grille en fer forgé.

Étonnant, ce Jésus. Il est représenté en jardinier, avec une pelle dans la main. Il parle à une femme qui essaie de le toucher, mais Jésus, discrètement, semble repousser ce geste un peu osé. Mais leurs mains s’effleurent. Y aurait-il eu un rendez-vous dans ce jardin ?

Eh ! bien oui ! Au soir de Pâques, selon l’évangile de Jean (chapitre 20 versets 11 à 18), tandis que Marie de Magdala vint au jardin où se trouvait le tombeau de Jésus pour embaumer son corps – la Marie Madeleine de notre stalle porte un flacon de parfum dans sa main droite -, elle fut surprise par la rencontre d’un homme qu’elle prit, dans un premier temps, pour le jardinier des lieux. Jusqu’à ce que Jésus se révèle à elle, vivant, en l’appelant par son nom.

Pourquoi ne voulut-il pas qu’elle le touche ? Pas par peur de la femme, mais, selon la parole de Jésus, il ne fallait pas qu’elle s’attarde avec lui parce qu’elle devait aller annoncer la résurrection aux apôtres. Elle devenait, ainsi, comme femme, « l’apôtre des apôtres ». Un grand honneur ! En somme, il l’envoyait jardiner ailleurs.

On peut appeler cela « évangéliser ».

Claude Ducarroz